Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ACHAICUM FOEDUS

ACHAICUM FOEDUS. La ligue achéenne est une confédération de peuples du Péloponèse, fort importante au point de vue de l'histoire et du droit public de la Grèce. Cette confédération n'acquit son plein développement et ne jeta tout son éclat que vers l'an 280 avant Jésus-Christ; mais elle remontait à une plus haute antiquité. Les Achéens occupèrent, lors de l'invasion des Héraclides, la côte assez peu fertile du nord du Péloponèse, depuis Sicyone jusqu'au promontoire Araxe. L'Achaïe se divisait en douze cités, qui comprenaient chacune sept à huit bourgs dans leur territoire. Hérodote cite Pellène, Agira, Agus, Dura, Hélice,.Egium, Rhypes, Paire, Phare, Olenus, enfin Dymai et Tritaea, seules villes situées dans l'intérieur des terres. On sait peu de chose sur la formation première de la ligue entre ces cités, parce qu'elles prirent peu de part aux affaires de la Grèce, même à 'époque de la guerre de Xerxès. Il paraît que très-anciennement une assemblée des députés des villes se tenait déjà dans la capitale, au printemps, pour la confection des lois et la nomination des magistrats, et extraordinairement suivant les circonstances. La confédération semble avoir été dissoute à la suite d'un tremblement de terre 2. Agium était devenue la capitale. Pendant les luttes entre les successeurs d'Alexandre, certaines villes d'Achille reçurent des garnisons étrangères, d'autres furent soumises à des tyrans 3. Enfin, en 280, les villes de Patras, de Dymu, Phare et Triteis profitèrent de la situation fâcheuse où se trouvait, Antigone Gonatas, pour se soustraire à sa domination. et former les liens d'une nouvelle ligue Achéenne 4, à laquelle les autres cités se rattachèrent successivement. Vingt ans après, l'exemple des Étoliens [AETOLICUM FOEDUS] décida les Achéens à se placer sous les ordres d'un seul stratège [STaATEGOS]. Alors la confédération fit de rapides progrès, grâce ACII ACII surtout à l'habile politique de son chef, Aratus, qui bientôt réunit Sicyone, sa patrie, à la ligue Achéenne, en 251 5. En 243, elle lui dut encore l'annexion de Corinthe, après l'expulsion de la garnison macédonienne qui l'occupait 6. Enfin lpidaure, Trézène, Mégare et d'autres villes furent également rattachées à la confédération 7. A la tête de la confédération se trouvaient deux conseils, qui se réunissaient dans la capitale, iEgium, et siégeaient dans le bois sacré de Zefs 'Ouayépto; près du temple de composait des députés des villes, et n'était pas permanent; ses membres recevaient une indemnité. Le second portait le nom de yEpoua(a, et formait le conseil permanent du stratège 10 L'assemblée générale du peuple se tenait également dans cette ville, et comprenait tous les citoyens des cités confédérées, au-dessus de trente ans 11; ils étaient convoqués deux fois par an, au printemps et à l'automne 12. Chaque session ne pouvait durer que trois jours 13 ; mais les circonstances amenaient quelquefois la nécessité d'une session extraordinaire dans une des villes de la ligue 14. Philopoemen fit prévaloir, contre l'avis du consul Fulvius, une loi aux termes de laquelle les assemblées régulières durent se tenir alternativement dans chacune des villes de la confédération 15. C'est au printemps qu'on nommait les magistrats, indépendamment du stratège et des scribes publics ou ypauuaTels. Parmi les premières autorités, on comptait l'hipparque (bt upxos), fonctionnaire immédiatement inférieur au stratège 16 ; dans certaines villes, il y avait aussi des hippostratèges (i7r7oaTeuvilyol). Du reste, l'usage s'établit de permettre la rééligibilité d'un citoyen aux mêmes fonctions. Le stratège ne pouvait cependant être réélu que de deux années l'une. Le droit de convoquer et de présider l'assemblée du peuple appartenait en principe à dix magistrats nommés démiurges (Sr utoupyot) ou simplement archontes («pxov rEs)17, dont le rang était égal à celui du stratège ; cependant ce dernier magistrat pouvait appeler le peuple à une assemblée extraordinaire, quand il s'agissait de prendre les armes I8. Le peuple décidait les questions de paix ou de guerre, comme toutes celles qui intéressaient l'ensemble de la confédération ; mais il votait par cités et non par têtes ; la majorité des villes emportait la décision 19. L'initiative des projets de décret appartenait aux démiurges; le partage d'opinions entre ces dix magistrats mettait obstacle à la mise aux voix d'une proposition, car l'assemblée ne pouvait délibérer que sur les propositions à elle soumises par les chefs 20. Il est à remarquer que les liens de la confédération n'étaient pas assez étroits pour entraver l'autonomie des cités d'une manière rigoureuse 21. On voit certaines d'entre elles se retirer de l'assemblée qui a pris une décision contraire à leurs vues; aussi la ligue portait-elle simplement le nom de auu7ro),tTEia, A l'extérieur, elle interdisait à ses membres le droit d'avoir des ambassadeurs 22, et leur donnait un chef pour la défense commune ; elle fixait le contingent de leurs troupes 23. A l'intérieur, la ligue veillait au maintien de la démocratie, que le génie indépendant des Achéens avait établie depuis l'extinction des anciennes races royales 26, et s'efforçait de faire prévaloir de pareilles institutions dans les villes qui venaient s'allier aux confédérés 25 Quelquefois il est question de la nomination de juges spéciaux, communs à toute la ligue 23. Le stratège n'avait pas seulement la haute direction de la guerre et des négociations préliminaires de la paix ; on peut dire qu'en général il était investi du pouvoir exécutif ; quand il présidait l'assemblée du peuple, c'est lui aussi qui la congédiait 27. Ce pouvoir aux mains d'hommes tels qu'Aratus et Philopoemen contribua beaucoup à la grandeur de la confédération Achéenne. Après avoir lutté victorieusement sous ces grands hommes contre Sparte, à qui son roi Cléomène avait rendu une partie de son ancienne puissance, puis contre les Macédoniens, tour à tour ses alliés et ses ennemis, la ligne Achéenne fut le dernier soutien de l'indépendance de la Grèce contre Rome. Elle finit par succomber, ruinée par la politique astucieuse du sénat et par les victoires de Métellus. La prise et la destruction de Corinthe par Mummius, en 146 avant Jésus-Christ, consomma sa défaite et celle de la Grèce tout entière. On répète généralement, sur la foi de Sigonius 28, que l'Achaïe fut dès ce moment réduite en province romaine. Cette opinion, qui ne repose sur aucune preuve directe, a été fortement ébranlée de nos jours par Hermann 29. Suivant cet auteur, dont le système a rencontré beaucoup de partisans, après les mesures de rigueur provisoirement ordonnées par les députés du sénat et l'établissement de gouvernements démocratiques dans les villes du Péloponèse, les confédérations d'abord dissoutes furent autorisées à se reformer 30. L'Achaïe, in deditionem accepta [DEDITIO], ne fut pas réduite en province, car elle n'eut pas de gouverneur romain permanent 31, à l'exception de la Béotie et de l'Eubée et du territoire de quelques villes détruites, soumises peut-être à l'administration soit du gouverneur de la Macédoine, soit d'un questeur spécial. Mais ce n'est pas ici le lieu de discuter cette grave question. Il est certain du reste que l'Achaïe, qui dans les guerres civiles avait en général suivi le parti destiné à succomber, fut occupée plusieurs fois militairement et réduite en province sous Auguste 32 On possède un assez grand nombre de monnaies de la ligue Achéenne. Nous en offrons ici des exemples. On voit (fig. 46) une monnaie de la première période de la ligue 33. Elle porte au droit la tête de Jupiter, au revers un monogramme formé des lettres Ax, dans une couronne de laurier. Cette monnaie est antérieure à l'époque où Aratus fut élevé à la préture. A ce moment la nouvelle république ordonna que les monnaies versées au trésor commun seraient toutes d'un même poids et au même Litre 3'. ACH 2UU ACH Un monogramme, formé (les premières lettres des mots ANAION ou IIANAXA11JN, fut ajouté comme signe conventionnel aux symboles ordinaires qui faisaient reconnaître la monnaie de chaque cité. Ainsi on le remarque sur une monnaie d'Élide, ici gravée (fig. 47), d'après le modèle qui appartient au Cabinet des médailles, et sur de rares monnaies de Corinthe, dont un exemplaire de la collection Cousinery, qui a passé dans le Cabinet de Munich, est ici reproduit (fig. 48). Corinthe, qui possédait déjà une grande abondance de numéraire, nécessaire aux opérations de la ligue, dut être autorisée à verser au trésor ses monnaies sans y faire aucun changement. C'est cette circonstance qui explique la rareté des monnaies de cette ville portant le monogramme. G. HUMBERT.